Suivre le cours

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Dans le centre de Nevers, le dimanche 12 mars
Bond du thermomètre aujourd’hui, mais la bruine reste

Lorsqu’on traverse des forêts, les chemins sont souvent très géométriques, lignes droites inscrites dans tous les sens. Le revêtement est plat avec toutes les feuilles mortes aplaties par le passage. On prend de la vitesse dans ce genre de conditions. Les arbres qui nous entourent rajoutent à la sensation de filer rapidement. En traversant des forêts, j’ai remarqué un effet d’optique assez étonnant que je ne sais pas à quoi rapporter. Si l’on fixe fermement des yeux le bout du chemin – qu’on ne voit pas clairement car trop éloigné et comme confondu avec l’infini – on peut avoir l’impression que celui-ci s’éloigne alors que nous allons vers lui à bonne allure. Assez envoutant dans des moments où l’on est déjà un peu hypnotisé par le pédalage. Je me rappellerai longtemps de mon expérience de Fontainebleau. À tester la prochaine fois que vous irez en forêt !

Nous avons enfin passé Paris. Et ce ne fût pas sans la traversée des abords de Paris. Inévitable. Le long de la Seine que nous avons commencé à suivre en Normandie s’enchaînent usines, centrales électriques, zones commerciales, cimenteries, silos de céréales et la fameuse voie ferrée Paris-Cherbourg-Le Havre (que l’on a croisé une petite dizaine de fois). On découvre beaucoup de réalités de la France et de son industrie que je ne côtoie jamais en temps normal. Les dimensions de l’usine Renault sont hors norme par exemple. En faire le tour à pied prendrait une journée. On est presque étonnés de voir qu’il y a une voie verte, c’est à dire un itinéraire cyclable fléché qui suit cet enchaînement sinistre jusqu’aux premières villes résidentielles de banlieue. À partir de là c’est plus commun, mais ce n’est pas forcément plus joli. Notre approche de Paris culmine à la Défense où le vélo vient d’avoir la permission d’exister : quelques voies cyclables provisoires ont été mises en place.

Deux jours à Saint Mandé chez mon frère Adrien pour faire le plein d’énergie, revoir quelques amis et compléter l’équipement. Désolant de ne pas trouver de magasins avec un vrai choix d’accessoires pour les vélos de voyage dans une si grande ville, j’ai pu rassembler ce qu’il me manquait grâce aux passionnés des plus petites boutique (big up Cycles Treize). Le vélo électrique a l’air d’occuper presque tout le monde.

Nous sommes repartis plein sud (et aussi un peu à l’est) en direction de Lyon ! C’est là bas que nous visons notre prochaine grande étape. Depuis déjà 4 jours, nous suivons l’itinéraire européen de la Scandibérique qui longe les VNF (Voies Navigables de France), avant de rejoindre la Loire et son fameux itinéraire cyclable de « la Loire à vélo ». Depuis la Seine rencontrée en Normandie, nous avons l’impression de ne pas lâcher le cours des rivières et canaux. On se doute de leur importance à une époque où les A13 ou autre A86 n’existaient pas. Je ne saurais dire combien de poste d’écluse nous avons passé. Canal du Loing, de Briare et maintenant celui dit « Latéral à la Loire » qui passe à Nevers où nous sommes ce soir, tellement d’eau dans le centre du pays !

Même si nous empruntons les voies vertes les plus connues, il nous est apparu très étrange de n’avoir croisé absolument aucun camarade cyclo-touriste. Bien sûr, les sportifs du quotidiens, joggeurs, cyclistes du dimanche ou les promeneurs de chiens, nous en avons vu en pagaille, mais encore aucune rencontre avec des collègues. Trop tôt peut-être ? La météo toujours très hivernale que nous avons eu jusqu’ici peut expliquer des choses. Nous avons enchaîné des bivouacs très humides près du canal. En presque 10 jours de voyage, pas encore un seul jour de vrai beau temps. Avec Dylan on se dit que le soleil nous attend en Italie… l’impatience grandit de passer les Alpes !

« J’ai accueilli un ami qui m’a pris dans ses bras
Et m’a murmuré tout bas
Regarde derrière les nuages
Il y a toujours le ciel bleu azur
Qui lui vient toujours en ami
Te rappeler tout bas
Que la joie est toujours à deux pas
Il m’a dit prends patience
Mon amie, prends patience
Vers un nouveau rivage
Ton cœur est emporté »
Le monde s’est dédoublé de Clara Ysé