Dobar dan

Dobar dan
Grottes de Škocjan

Split (Croatie), de la terrasse d’un café adossé aux remparts du Palais Dioclétien, le samedi 22 avril
Température douce mais soleil puissant, ombre déjà recherchée

Se conclue déjà une nouvelle semaine d’aventures cyclo-touristiques ! Semaine bien imprégnée de côte Dalmate et de rencontres avec d’autres cyclos (enfin). C’est lors du jour de pluie (voir épisode précédent) que nous avons rencontré deux allemandes qui nous ont ouvert les portes d’un warmshower très accueillant, Manuel, un italien perdu dans la région slovène de Sežana. Son salon est rapidement devenu un foutoir indescriptible, rempli des affaires semi-mouillées de quatre cyclos. Un véritable exemple de biker-trashers (comme dirait Clara). Pour préciser, le biker trash, provenant de son équivalent pédestre hiker trash est une capacité insoupçonnée des cyclo-touristes à pouvoir mettre en quelques secondes un bordel inimaginable autour d’eux et ce sur plusieurs mètres carrés. A chaque fois que nous nous arrêtons, pour un picnic ou pour un bivouac, c’est comme si nos sacoches explosaient sur place pour répandre leur contenu au sol. L’art du cyclo, c’est de rester maître de toute cette apparente désorganisation et de pouvoir en quelques minutes (on ne parle plus de secondes malheureusement) remettre de l’ordre dans le chaos. Il y a encore beaucoup d’autres aspects caractérisant le biker trash, parfois moins visibles, nous y reviendrons.

Avant la Croatie et le soleil, nous quittions donc tranquillement la Slovénie par des routes aux aires de Suisse, toujours humides et nuageuses. Après le gros épisode de pluie et la rescousse du warmshower, nous avons fait une pause d’une demi-journée pour visiter les grottes de Škocjan. J’ai rarement vu merveille naturelle plus impressionnante. On entre d’abord dans des petits tunnels silencieux remplis de stalactites/mites rassemblées comme le magot de l’île de Monte-Cristo. Plus on avance plus les cavernes gagnent en volume jusqu’à trouver des voutes aux dimensions cathédralesques. En continuant à descendre doucement, une rumeur sourde se fait, le décor baroque se transforme en simples parois rocheuses, tout devient plus inquiétant. Quand on débouche dans l’immense galerie (vaticanesque), le bruit ne permet plus d’entendre les indications du guides. Une descente en lacet nous emmène tout droit vers une rivière souterraine au flux surpuissant, certainement boosté par les pluies de la veille. On traverse alors toute la galerie longue de presque un kilomètre avec des frissons dans le dos et la presque-certitude de découvrir les mines de la Moria. Je suis ressortit de là avec un mélange de soulagement et de satisfaction d’avoir vu un endroit aussi dingue.

Remis de toutes ces émotions, en avant vers la côte Adriatique. Il y avait un marquage assez subtil entre l’Italie et la Slovénie, la frontière avec la Croatie nous a surpris pour d’autres raisons. Alors que la route traversait une forêt « réserve nationale », le premier élément marquant sont les ordures. Partout où nous regardions au delà du bord de la route, des déchets en pagaille, tout ce qu’on peut trouver dans une déchetterie déversé aléatoirement le long de la route. Malheureusement, ces vues navrantes nous suivront partout en Croatie (sauf en ville). Nous avons rapidement noté la différence de niveau de vie entre croates et slovènes à la vue de l’état des habitations ou celui des routes. D’après les statistiques, le PIB par habitant est proche du double en Slovénie, ce qui pourrait nous aider à expliquer l’impression de traverser un pays où la situation économique paraît beaucoup moins favorable.

Nous avons eu l’impression de traverser des campagnes désertes voire abandonnées avant d’arriver sur la côte de Rijeka, ville portuaire grouillante. Idem sur les îles que nous avons ensuite explorées, l’activité essentiellement touristique ramène tout à la mer. Je ne m’attendais pas du tout à cela. Je m’imaginais un pays beaucoup plus semblable à l’Italie. Mais ici c’est dur et sec comme le caillou. Les îles ont gardé une belle part sauvage. Elles sont extrêmement rocailleuses, pourvues uniquement de plages de rochers. L’intérieur est souvent désert mis à part quelques enclos de moutons ou chèvres qui se débrouillent pour trouver de l’herbe entre les cailloux. On comprend pourquoi la Croatie a misé sur le tourisme et pas l’agriculture : 20% du PIB contre 3% (en France c’est 6% contre 3%). Qui dit tourisme dit constructions. Les villes balnéaires paraissent déjà bien construites pour le peu de monde qu’on y croise au mois d’avril. Étrange paradoxe de voir tant d’habitations en construction et si peu de gens. Mais il paraît que la zone est envahie par l’Allemagne et l’Autriche chaque été, tout cela doit avoir un sens.

Nous continuons notre itinérance dans ce pays où l’on croise plus d’ouvriers de construction que de paysans. Après Krk, Rab et Pag nous tentons les îles à quatre lettres : Brač et Hvar. Mais nous voulons aussi voir l’intérieur : percer le bouclier croate jalousant l’Adriatique pour trouver la Bosnie enfoncée dans les terres. Nous comptons passer quelques jours à Mostar (dont on nous a tant vanté les mérites) avant de revenir sur Dubrovnik. Semaine chargée !

A+

P.S. : Dober dan pour dire bonjour en slovène, Dobar dan en croate. Beaucoup de similitudes linguistiques dans cette région.